3 formats méconnus de roman


Republication d’un article de mon ancien autre blog, Prom’Auteur.

Aujourd’hui, j’aimerais revenir sur trois formats de roman méconnus ou oubliés et qui, pourtant, gagnent à être remis au goût du jour pour toutes les opportunités narratives qu’ils offrent.

Tout d’abord, qu’est-ce qu’un roman ?

Commençons par un rappel : un roman est un récit fictionnel en prose de minimum 50.000 mots et… c’est tout.

Si vous voulez une définition un brin plus complète, voici celle de Larousse que je trouve précise, complète et concise :

Œuvre d’imagination constituée par un récit en prose d’une certaine longueur, dont l’intérêt est dans la narration d’aventures, l’étude de mœurs ou de caractères, l’analyse de sentiments ou de passions, la représentation du réel ou de diverses données objectives et subjectives ; genre littéraire regroupant les œuvres qui présentent ces caractéristiques.

Le roman n’a donc aucune forme imposée. Dans ce cas, pourquoi écrivons-nous toutes et tous des textes suivis alors qu’au fil des siècles le roman a été protéiforme ?

Eh bien… je n’ai pas la réponse et je ne tenterais pas d’en donner non plus.

Avec le temps et les lectures accumulées, je trouve triste que l’on ne se cantonne qu’à une seule forme de roman. Je dirais même que je trouve que cela appauvrit la littérature.

De mon opinion — j’insiste : c’est mon point de vue —, nous sommes tellement obnubilé-e-s par la recherche de l’originalité à tout prix dans les intrigues et les personnages qu’on oublie que l’originalité d’un roman se trouve aussi dans le style — qu’on est aussi en train d’uniformiser pour tous écrire “à l’américaine” parce que “ça vend mieux” et “ça se lit plus vite” — et dans le format.

C’est pour nous forcer à essayer de réfléchir autrement que j’ai écrit cet article. Et, croyez-moi, je compte bien me retourner le cerveau, moi aussi ! 

1. Le roman mosaïque

Le roman mosaïque, aussi appelé fix-up, est une histoire constituée de morceaux épars et distincts, à l’instar des mosaïques réalisées grâce à la coordination des bouts de faïence.
Il s’agit d’un recueil de nouvelles reliées entre elles par une trame ou un thème commun. Chaque nouvelle est indépendante des autres et fait avancer l’histoire et évoluer les personnages.

Le roman mosaïque peut ne pas être constitué que de nouvelles, il peut également compter dans ses pages des contes, des poèmes, des lettres, etc.

Ce format permet d’explorer beaucoup de choses tout en restant cohérent. On peut, par exemple, raconter une même histoire de plusieurs manières différentes, en adaptant le genre, les personnages, le style, etc. au fond.

La différence avec un recueil de nouvelles : les nouvelles ne peuvent pas se lire dans le désordre.

La différence avec un roman-feuilleton : chaque nouvelle est écrite en un tout cohérent et peut se suffire à elle-même, a contrario des épisodes d’un feuilleton.

La différence avec un roman choral : le roman choral est une seule histoire racontée par plusieurs personnages, les chapitres s’enchaînent avec des points de vue différents. Dans le fix-up, il s’agit de plusieurs histoires différentes racontées du même point de vue ou de points de vue différents.

Quelques exemples de romans-mosaïques :

  • Les Quatre d’Agatha Christie
  • En revenir aux fées de Nathalie Dau
  • Le Dernier Vœu d’Andrzej Sapkowski
  • Fondation d’Isaac Asimov
  • À l’estomac de Chuck Palahniuk

2. Le roman épistolaire

Le roman épistolaire est un récit raconté sous forme de lettres ou d’échanges de lettres. Il peut être monodique (à un seul personnage) ou polyphonique (à plusieurs personnages).
Il peut également être total ou partiel, c’est-à-dire ne compter que des lettres ou ne compter que quelques lettres.

Ce format permet énormément de procédés narratifs en plus d’être un excellent exercice de style :

  • lorsqu’il y a plusieurs intervenants, le roman épistolaire nous oblige à bien travailler notre style pour l’adapter à la voix de chaque personnage
  • il permet d’exposer avec plus de liberté la subjectivité du ou des personnages
  • une même histoire peut être racontée (et confrontée) avec plusieurs points de vue

Dans les romans épistolaires, on compte également les romans racontés sous forme de journaux intimes.

Quelques exemples de romans épistolaires :

  • 84, Charing Cross Road d’Helen Hanff
  • Dracula de Bram Stoker
  • Illuminae d’Amie Kaufman et Jay Kristoff
  • Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley
  • Le Journal de Bridget Jones d’Helen Fielding

Pour aller plus loin :

3. Le roman-feuilleton

Le roman-feuilleton est, par rapport aux deux précédents, un format qui n’est pas si méconnu ni délaissé, puisqu’il est très utilisé sur des plateformes comme Wattpad et par les webcomics, mais surtout par les séries télévisées.
Alors, pourquoi vous en parler aujourd’hui ?

J’avais envie de revenir un peu sur la forme et le but originels de ce format, car le roman-feuilleton n’est pas qu’un roman publié en épisodes. Très populaire (c’est un euphémisme !) au XIXe siècle, il déchaîne les passions et se vend d’ailleurs mieux que les romans édités par la voie classique. Les quotidiens qui publient les épisodes des romans-feuilletons s’impriment en millions d’exemplaires et se vendent comme des petits pains.

Toutefois, je ne suis pas là pour vous faire un historique de ce format, mais bien pour vous parler de ses caractéristiques dont on n’a retenu qu’une partie : le suspense et le séquençage en épisode. Car un roman-feuilleton, c’est bien plus que cela. Voici donc les caractéristiques oubliées du roman-feuilleton.

Tout d’abord, les épisodes faisaient tous la même longueur à cause de l’endroit où ils étaient publiés sur la page du journal : le feuilleton (une “case” en bas de la Une). Cette case avait toujours la même taille et pouvait donc accueillir un nombre prédéfini de caractères typographiques. 

Ensuite, l’intérêt des lecteurs devait être maintenu pour s’assurer qu’ils achètent l’édition du lendemain. Pour ce faire, plusieurs stratagèmes étaient mis en place :

  • le cliffhanger (le mot a d’ailleurs été inventé pour les romans-feuilletons et par un feuilletoniste) : il faut terminer l’épisode sur un suspens, une question sans réponse, un secret à percer, un mystère à élucider, une action à terminer, un coup de théâtre… (avec le bien connu “La suite au prochain numéro”)
  • des péripéties et des rebondissements en veux-tu en voilà pour s’assurer que le lecteur ne s’ennuie pas
  • entretenir des relations tendues entre les personnages
  • une intrigue simple (le plus souvent manichéenne) : ce qui fait le succès d’un roman-feuilleton ce n’est pas son intrigue, mais bien les multiples complications qui viennent pimenter l’histoire

Je suis persuadée que, jusqu’ici, je ne vous apprend rien à propos de ce genre, n’est-ce pas ? 😉

Attaquons la suite :

  • il y avait beaucoup de longs dialogues : il y a trois raisons à la présence de la grande quantité des dialogues. D’abord, les auteurs étaient payés à la ligne ; ensuite, les dialogues sont rapides à lire et permettent de transmettre beaucoup d’informations de manière agréable aux lecteurs (rappelez-vous, il ne faut pas qu’ils s’ennuient) ; enfin, les dialogues sont rapides à écrire.
  • des récits mêlés d’actualité : les épisodes étaient souvent rédigés au jour le jour, ce qui permettait d’intégrer des éléments de l’actualité romancés dans l’épisode (l’auteur se permettait même parfois de prendre position et de faire passer des idées)
  • l’intervention des lecteurs : il était courant que les lecteurs envoient des courriers au journal pour demander que tel personnage agisse plutôt comme ceci ou que tel événement succède à cela, il y avait une réelle interaction entre les lecteurs et le récit
  • une réflexion sur la temporalité : la durée de lecture correspond presque à la durée de l’action
  • l’introspection du lecteur : les romans-feuilletons ayant souvent un côté social fort avec des personnages aux identités fortes également, ils agissent comme un miroir pour le lecteur qui s’interroge alors sur lui-même, sur ses valeurs et sur sa place dans la société

Comme vous l’avez vu, un roman-feuilleton est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît et parvenir à écrire des épisodes palpitants en mêlant tous les ingrédients ET en les publiant de façon périodique (tous les jours ou toutes les semaines) relève de l’exploit.

Quelques exemples de romans-feuilletons :

  • Les Mystères de Paris d’Eugène Sue
  • Les Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas
  • Rocambole de Pierre Alexis de Ponson du Terrail
  • La Vieille fille d’Honoré de Balzac
  • Les Mémoires du Diable de Frédéric Soulié

Si vous voulez en apprendre davantage sur le roman-feuilleton, je vous conseille cette excellente vidéo qui vous en apprendra beaucoup plus : Les feuilletons littéraires au XIXe siècle

Voilà ! C’est tout pour aujourd’hui !

Alors dites-moi : l’un de ces formats vous tente-t-il ?

Pour connaître ma préférence, rendez-vous au prochain épisode 😉

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2 réponses à “3 formats méconnus de roman”

  1. J’en suis actuellement à mon premier roman, à mi-chemin entre fix-up à plusieurs points de vue (humains et animaux surnaturels) et roman choral/polyphonique, c’est de la SF d’anticipation jeunesse mélangée à de l’éco-fiction et à du fantastique animalier. Alors oui,je suis d’accord qu’il n’y a pas qu’une forme de roman !

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